L’Endurance, un trois-mâts au nom prémonitoire
Knock-out
Il y a 100 ans exactement, le 5 janvier 1922, s’éteint Sir Ernest Henry Shackleton à l’âge de 48 ans à des milliers de kilomètres de son Irlande natale, sur l’île de Géorgie du Sud, dépendance des Malouines, en Atlantique sud. Son corps repose dans le cimetière de Grytviken, ancienne station baleinière aux eaux chargées de drames. Confetti labouré par des vents fous, l’île a eu en son sein jusqu’à sept cimetières. Les tombes indiquent que pendant longtemps, on y est mort jeune, « la faute à l’Atlantique ! » diraient les fantômes... La pierre tombale de Shackleton reflète bien l’esprit des lieux : une stèle aux contours bruts, grise comme la mort, sur fond de paysage montagneux âpre mais sublime.
Une photographie datant de 1914 nous montre l’explorateur du pôle sud fixant l’objectif sans artifice, le regard profond comme l’ont ceux qui ont vécu des corps à corps intenses avec les éléments. Il est vrai que Shackleton s’est confronté plusieurs fois à l’Antarctique : la première de 1901 à 1904, en accompagnant l’expédition Discovery dirigée par le capitaine britannique Robert Falcon Scott, et la seconde, l’expédition Nimrod (de 1907 à 1909) où l’Irlandais dut capituler face aux forces de la nature, à « seulement » 180 km du pôle, son objectif... Le vainqueur ? l’Antarctique. Mais... y a-t-il vraiment un vaincu ?...
Des terres gelées et pourtant ... appétissantes
Comme pour défier le « jamais deux sans trois », Shackleton « remet le couvert » en 1914 avec son bateau baptisé L’Endurance. L’Antarctique devra plier face à cet homme ambitieux, mais aussi profondément courageux. Autant le dire tout de suite, il perdra son combat une troisième fois contre ce continent sauvage où les températures descendent à – 50º et autour duquel trois anneaux de vents font la loi : les Rugissants, les Hurlants, les Sifflants. Son trois-mâts, finira broyé par la banquise et « expédié » au fond de l’océan à 3 000 mètres. Il restera pourtant mythique, tant l’histoire de son équipage continue d’offrir aujourd’hui de grandes leçons de courage.
Un rappel historique est important pour comprendre l’attrait pour des terres si hostiles. Au début du XXe siècle, les Occidentaux se passionnent pour ce gigantesque continent (25 fois la France !) sans jamais avoir pu en atteindre le cœur. Trois explorateurs sont en compétition pour y planter leur drapeau : Scott (Britannique), Amundsen (Norvégien) et Shackleton. Cette quête personnelle de gloire rejoint un appétit international pour s’approprier des parties de ce territoire dans l’espoir d’y découvrir des richesses.
Un rappel historique est important pour comprendre l’attrait pour des terres si hostiles. Au début du XXe siècle, les Occidentaux se passionnent pour ce gigantesque continent (25 fois la France !) sans jamais avoir pu en atteindre le cœur. Trois explorateurs sont en compétition pour y planter leur drapeau : Scott (Britannique), Amundsen (Norvégien) et Shackleton. Cette quête personnelle de gloire rejoint un appétit international pour s’approprier des parties de ce territoire dans l’espoir d’y découvrir des richesses.
Une anecdote est parlante : en 1914, lorsque Shackleton s’apprête à naviguer vers l’Atlantique sud avec L’Endurance, la Grande Guerre commence. Par esprit patriotique, il met son navire à la disposition du gouvernement britannique. Churchill met son véto et lui ordonne de partir.
L’Endurance, un trois-mâts au nom prémonitoire
L'objectif de Shackleton est de réaliser à pied la première traversée du continent de la mer de Weddell, au nord, à la mer de Ross, au sud.
Le 18 janvier 1915, L’Endurance, construit en 1912 sur un chantier norvégien, se trouve prisonnier des glaces en mer de Weddell. Frank Hurley, le photographe de l’expédition, fait d’incroyables images de l’équipage tentant, au fil des semaines, de dégager le bateau. En vain... L’hiver austral arrive et aggrave la pression de la banquise sur la coque. L’Endurance résiste longtemps mais le 27 octobre 1915, Shackleton annonce à ses hommes qu’il faut quitter le navire. Peu après, un dernier craquement et le-voilà au fond des eaux.
Shackleton réussira héroïquement à sauver ses 28 hommes. Sur trois canots de sauvetage et avec des moyens de subsistance limités, ils « s’extraient » de la mer de Weddell et rejoignent Elephant Island, dans l’archipel des Shetland du Sud. Shackleton décide d’en repartir avec 5 membres d’équipage pour chercher de l’aide sur l’île de Géorgie du Sud. Arrivés du mauvais côté, ils devront traverser les montagnes pour trouver du secours. Enfin. Le 30 août 1916, les 22 hommes restés sur Elephant Island sont récupérés, sains et saufs. Une aventure littéralement extraordinaire.
Le 8 mars 2022, L’Endurance a été retrouvé à six kilomètres du lieu de son naufrage, par une expédition montée par le Falklands Maritime Heritage Trust (FMHT). Cent ans après la mort de Shackleton. Son âme doit être bienheureuse.
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