La tragédie du Grand-Saint-Antoine
Il avait pourtant fière allure…
Marseille au XVIIIe siècle est la troisième ville la plus importante de France après Paris et Lyon. Port stratégique dans l’espace méditerranéen, la population y est bigarrée grâce aux intenses relations commerciales avec l’Orient. Chaque année avant l’été, les marchandises les plus diverses y sont débarquées pour être vendues à la célèbre foire de Beaucaire, rendez-vous incontournable de nombreux commerçants français et étrangers. Le 1er juillet 1720, l’arrivée du trois mâts baptisé le Grand-Saint-Antoine, chargé des plus belles cotonnades et soieries d’Orient, promettait d’être un beau spectacle. Ce sera un cauchemar…
Un fléau permanent
Depuis 1347, les épidémies de peste se succèdent et terrifient les populations qui se savent incapables d’y remédier. La puce du rat noir transmet la maladie à vitesse vertigineuse, de port en port, de ville en ville. Deux recours : la foi et… le respect des procédures de réglementation sanitaire. Instaurée au XIVe siècle, la pratique de la quarantaine permet d’éviter bien des désastres. À l’arrivée de leur navire, les capitaines doivent fournir une patente, certificat de santé délivré dans le pays de provenance par le consul de la nationalité du navire. La patente dite « nette » certifie l’absence de peste, la patente « soupçonnée » évoque une contamination certaine, et la « brute » concerne les bateaux venant de ports contaminés ou déplorant la mort de membres de l’équipage.
Le prix de la cupidité
Ces règles n’ont pas été respectées, bien que le Grand-Saint-Antoine soit passé par de nombreuses côtes infectées… Parti en juillet 1719 de Tripoli de Syrie (Liban), cinq Turcs embarquent à Chypre. L’un d’entre eux décède rapidement. Sur le trajet vers le Cap Corse, cinq autres personnes meurent. Le capitaine Chataud sait donc que son navire est une bombe à retardement. Lui-même tente de s’isoler en se réfugiant à la poupe du bateau. Il prend toutefois la pire des décisions : à Livourne, il obtient une patente « nette » par mensonge et arrive à Marseille sans s’arrêter sur l’île Jarre, au sud de la ville, servant de lieu de quarantaine. Bilan : 100 000 morts. Le Grand Saint Antoine, lui, sera brûlé. Son épave gît au large de la ville.
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