Marins en Silicon Valley
Des idées au kilomètre
On le sait, la Silicon Valley abrite de brillants cerveaux habités par l’objectif de construire au plus vite le monde de demain, sur terre comme sur mer. Patri Friedman, 42 ans, ancien ingénieur Google et petit-fils de Milton Friedman, prix Nobel d’économie en 1976, réfléchit depuis 2006 à la construction de structures flottantes au milieu des océans, autonomes libérales et libertariennes. Pour échapper aux lois des États classiques (trop contraignantes selon Friedman), les candidats pourront s’installer en haute mer, hors juridiction des États côtiers. Bienvenus dans ce projet un peu fou où le pied marin s’impose, cela va de soi ! L’idée n’est toutefois pas nouvelle. Elle revient régulièrement dans l’histoire de la pensée, à l’image de Thomas More qui, en 1516, rédige « Utopia » dans un contexte de désenchantement face à la gouvernance britannique. More y décrit une société idéale réduite à 100 000 individus, tous égaux sur une île délibérément coupée du pouvoir des États historiques.

Nouveau monde en vue…
L’idée de Patri Friedman s’appuie sur le libertarisme, philosophie politique et économique prônant une totale liberté individuelle. Son credo ? « Au lieu de se plaindre du gouvernement, rivalisez avec lui. ». Pragmatisme anglo-saxon. Homme pressé, Friedman pense que l’éternelle division des partis politiques et une Constitution obsolète (1787) paralysent les États-Unis et surtout ses grands esprits. Véritables freins au progrès, ces réalités sont à dépasser. Ainsi naît en 2008 l’Institut Seasteading, groupe de réflexion encourageant la création de structures flottantes « solution révolutionnaire à certains des problèmes les plus pressants du monde : hausse du niveau de la mer, surpopulation, gouvernance médiocre… ». Soit inventer une civilisation nouvelle ET maritime, loin du monde commun en faillite … et aussi des taxations étatiques classiques.

Gouvernance à la carte
Puisque chacun doit pouvoir décider du mode de gouvernement qui lui convient, « comme je choisis mon téléphone portable ou mon parfum » estime Friedman, il y aura au fil du temps des milliers d’îles artificielles construites en eaux internationales permettant aux candidats à l’exil de faire leur choix et générer une concurrence, la gouvernance étant un produit de consommation comme un autre. DeltaSync, société néerlandaise spécialisée en ingénierie flottante, est chargée de mettre au point ces micronations start-up que le « Seasteader » pourra quitter à sa guise pour voguer vers une autre utopie… Tentés par l’expérience, amis de Filovent ? Réfléchissez-bien… Certes, la non régulation permet de libérer pleinement la créativité individuelle mais ne protège pas des dangers. En Seasteading Land, de très nombreuses questions restent à régler, dont la piraterie, le financement des services, l’approvisionnement.... En 2018, un millier de personnes ont souscrit au projet. Peut-être serez-vous le 1001e ?
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