Sauvetage d’un phare qui ne sauvait plus
Beau, tout simplement
L’histoire qui suit est celle d’un curieux voyage maritime et littéraire.
Prenons un voilier du port d’Ushuaia et dirigeons-nous vers l’extrême Est des côtes acérées de l’Amérique du sud, à la rencontre d’une île à la silhouette horizontale émergeant des eaux turbulentes de l’Atlantique sud, l’Île des États (la Isla de los Estados en Argentine).

Après un temps de navigation le long de sa côte nord, la découverte d’une bien étrange construction provoque une sensation intense... Le « tableau », vu de la mer, est ainsi composé : sur une avancée rocheuse gris anthracite plongeant dans la mer, couverte d’un tapis de végétation rase de couleur vert sombre, siège un étrange petit bâtiment blanc de forme octogonale, coiffé d’un joli chapeau gris, un toit surmonté d’une sphère prolongée par une girouette et une pointe défiant le ciel. Une sorte de yourte perdue dans un lieu improbable, laissant imaginer que ce bâtiment, inauguré en mai 1884, a une fonction importante : signaler aux marins des dangers de se fracasser sur les côtes sauvages des environs proches de la Terre de Feu.
Bienvenus au phare de San Juan de Salvamento ou le Phare du bout du monde, un des endroits les plus énigmatiques de l'Atlantique Sud, sauf, peut-être, pour ... les habitants de la Rochelle !
Un phare sauvé par une plume
Tout est beau dans ce lieu où les Andes s’évanouissent dans les eaux bouillonnantes de l’océan. La solitude et l’isolement contribuent à nourrir un état d’âme d’une douce (et savoureuse) mélancolie, amplifiée par l’impression d’être le premier à découvrir cet endroit enchanté.

Malheureusement, la violence des éléments va précipiter le destin du phare, dix-huit ans après sa construction. Son emplacement ne permettant pas une bonne visibilité de son faisceau lumineux, il est abandonné en 1902 au profit d’un nouveau sémaphore édifié sur une île voisine, la Isla Observatorio. San Juan de Salvamento se désintègre peu à peu dans son écrin naturel à couper le souffle, sans pour autant disparaître des mémoires puisqu’à 12 770 km au nord-est de l’Île des États, un homme le connait bien, sans jamais s’en être approché : Jules Verne.
Sa plume est indissociable du monde de la mer : l’écrivain est né à Nantes, il a possédé trois steamers (les Saint Michel I, II, et III) et a exercé le métier de garde-côte au Crotoy (Baie de Somme) pendant la Guerre de 1870. Rien d’étonnant donc que dans ses récits, les océans aient une place de choix.
En 1901, fasciné par la lecture de chroniques sur San Juan, Jules Verne écrit Le phare du bout du monde (publié en 1905) et le sauve de l’oubli...
Quand la Rochelle s’y met
L’histoire fantastique continue !
Depuis 2000, une réplique du phare siège à la sortie du port des Minimes, à La Rochelle, grâce à André Bronner, ancien équipier sur des bateaux de courses océaniques et habitué des navigations extrêmes en Terre de Feu. Comment ce petit miracle a-t-il eu lieu ?
Au début des années 90, la lecture du livre de Jules Verne enflamme l’imagination d’André Bronner. Le loup de mer se rend sur site ; happé par son esprit, il promet de sauver San Juan. En 1995, il enclenche une formidable dynamique humaine pour ressusciter le phare par la création d’une association.
Au début des années 90, la lecture du livre de Jules Verne enflamme l’imagination d’André Bronner. Le loup de mer se rend sur site ; happé par son esprit, il promet de sauver San Juan. En 1995, il enclenche une formidable dynamique humaine pour ressusciter le phare par la création d’une association.
En 1997, l’Argentine déplace les vestiges du phare à Ushuaia pour le reconstituer. Il trône aujourd’hui à côté du Musée maritime, arborant une petite coquetterie : son « chapeau » gris est maintenant de couleur rouge. L’environnement urbain, certes moins majestueux que la nature sauvage de l’île des États, n’efface toutefois pas la dimension légendaire « del Faro del fin del mundo ».

Début 1998, la France fait don à l’Argentine d'une réplique plus petite que l’original. L’équipe de La Rochelle, dirigée par André Bronner, la place à l’endroit même où San Juan est né 114 ans plus tôt.
Enfin, le 23 février 2000, La Rochelle inaugure sa propre réplique grâce à la pugnacité de notre aventurier à l’âme rêveuse. Un endroit émouvant à voir absolument.
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