Le grain de folie du port de Barcelone
La mer longtemps boudée par ses habitants
Si l’on prête une oreille attentive aux conversations des promeneurs sur le port de Barcelone, il n’est pas rare d’entendre que la capitale catalane a dans son histoire passée tourné le dos à la mer. Propos à nuancer, puisque les Catalans ont toujours fait négoce en mer Méditerranée, la taille conséquente de l’arsenal médiéval (actuel musée Maritime) en témoigne. Et avant cette époque, les hommes de l’Antiquité exploitaient aussi cette côte facilement accessible. Alors pourquoi une telle affirmation ? Les Barcelonais ont-ils vraiment boudé leur bord de mer ? La réponse est affirmative, du moins pour ceux qui n’étaient pas concernés par le commerce maritime. Le vieux port, peu accueillant, envahi par des entrepôts, n’incitait tout simplement pas à la flânerie.

Vent en poupe pour Barcelone
Aujourd’hui, les temps ont bien changé. Barcelone et sa côte ont le vent en poupe. Très en poupe. Son atout ? Une façade maritime rénovée où les vieilles baraques d’antan ont laissé place à des aménagements urbains destinés à faire de la ville une vitrine attractive. Et ce depuis 1992, date historique pour la ville. À l’occasion des Jeux Olympiques, les institutions publiques ont investi une énergie folle pour faire des deux ports, le Port Vell et le Port Olympique, des espaces de bien-être, de promenade, de baignade… et de surprenantes découvertes. Car à bien y regarder, des détails clochent. Tout commence par l’arrivée à Barcelone par la mer. Si le temps est trouble, la silhouette figée d’un voilier géant surprend le voyageur, marquant par son profil imposant le point d’entrée de la ville. C’est l’étonnant hôtel W de presque cent mètres de haut, conçu par Ricardo Bofill, voilier de verre qui ne parcourra jamais un seul mille.

Un petit vent de folie sur le port
Une fois son bateau amarré, le visiteur n’est pas au bout de ses surprises. Christophe Colomb, tel saint Siméon retranché sur sa colonne, le surplombe, lui indiquant une direction tout autre que celle des Amériques. Erreur de boussole, sûrement. Vient ensuite, sur la promenade du vieux port, une gamba géante, sourire en coin. Elle observe les passants, installée sur le toit d’un étrange bâtiment, vestige d’un restaurant désossé. On y dégustait autrefois des fruits de mer, d’où le rictus moqueur de la gamba triomphante. Son créateur ? Le designer Javier Mariscal, l’esprit un brun moqueur et père de Cobi, mascotte des JO de 92. À quelques encablures, un bien étrange visage au maquillage outrancier observe les flâneurs, la bouche de travers, création du célèbre artiste pop américain Roy Lichtenstein, commettant ici des coups de pinceaux aériens devenus sculpture. Qui est cette femme ? Barcelone nous dit l’artiste. Une dame donc, un œil noir, l’autre bleu, le visage envahi de points rouges, comme atteint de varicelle… Les pas du visiteur le mènent enfin au Port Olympique, sous un gigantesque poisson sans queue ni tête, frétillant face à la mer. A l’horizon, l’hôtel-voilier, reste de marbre. Il y a effectivement à Barcelone comme un air de folie.

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