Septembre, mois du choix cornélien
La main à la pâte, entre ciel et mer
Les âmes en peine qui s’interrogent sur le sens à donner à leur vie devraient consulter régulièrement le calendrier que les Nations Unies publient annuellement sous le nom de « Journées et semaines internationales ». Les causes à défendre y sont infinies et en disent long sur l’Humain, sur ses rapports au monde, sur ses failles et leur lot de ténèbres, mais aussi sur son courage et son altruisme. En 2021, le nombre des jours appelant à des commémorations et des prises de conscience sur des thèmes de réflexions collectives (donc universelles) correspond à plus de six mois. Autant d’occasions de trouver un idéal à sa mesure. Le Sage dirait que pour résoudre, un humble premier pas s’impose.
Amoureux des océans, deux dates en septembre sont faites pour vous : la poétique « Journée internationale de l’air pur pour des ciels bleus », le 7, et la « Journée mondiale de la mer », le 30. Se battre ENTRE ciel et mer POUR le ciel et la mer, quoi de plus absolu pour un marin ? Mais... une fois la cause élue, un choix cornélien bien cynique s’impose : ferrailler pour la mer est louable mais les problèmes sont abyssaux : lutter pour/contre quoi ? Et...où ?
L’« art » de la guerre
Nous choisirons l’arc océanique européen qui nous est familier : l’Atlantique nord, la Manche, la mer du Nord et la Baltique. Sous les vagues, l’enfer. Si le peintre Jérôme Bosch ressuscitait, les fonds de ces quatre espaces maritimes seraient pour lui source d’inspirations apocalyptiques. Car à bien y regarder, peu de coffres ruisselants d’or, vestiges de naufrages mythiques, mais beaucoup (vraiment beaucoup !) d’armes chimiques de tout genre, empoisonnant le plancher, l’eau, la faune, la flore, les mains des pêcheurs, l’air, le sable des plages, et... nous, promeneurs naïfs de bord de mer.
Des tonnes d’armes ? Qui a permis cela ? un mauvais tournant qu’une certaine humanité a fait prendre à l’Histoire des sciences et des techniques entre les XIXe et XXe siècles : l’efficacité des conflits au-delà de l’éthique. Car il y a dans l’« art » de la guerre des armes dites « conventionnelles » et d’autres qui ne le sont pas, fabriquées à partir de composants chimiques : gaz moutarde, gaz sarin, chlore ... Une tournure de l’ingénierie des guerres tragiquement efficace. Seulement ... une fois la paix revenue, que faire des stocks ?
L’« art » de la poussière sous le tapis (marin)
Après 14-18 et 39-45, la question de l’épineux destin des millions d’obus chimiques non utilisés se pose. Le film-documentaire « Menaces en Mers du Nord » (2018) de Jacques Lœuille est à ce propos édifiant et riche en matière à penser. Sur un fond musical envoûtant, le réalisateur explique d’un ton laconique que si les archives militaires françaises sont interdites d’accès, dans les autres pays européens concernés (Danemark, Belgique, UK...) non. Un document d’archive* de l’Armée royale de Belgique (1919) propose, pour se débarrasser des armes ... la « noyade ». Ce que confirment de nombreux spécialistes, dont Olivier Lepick, maire de Carnac (Morbihan), chercheur associé à la Fondation de la recherche stratégique et spécialiste des armes chimiques et biologiques.
Des tonnes de bombes à retardement (dans le sens 1er du terme) gisent ainsi à quelques encablures des cabines de plage de Knokke-Heist, Gravelines, Dunkerque... Le fuselage métallique des obus se corrode depuis des décennies et les « liqueurs » toxiques se répandent. Un grand nombre de sites s’échelonnent entre la mer d’Irlande, l’Écosse, et les confins de la Baltique. En France ? La carte reste à établir, mais l’« art » de cacher la poussière sous le tapis (marin) montre aujourd’hui ses limites. Une bonne occasion de s’engager, pour celles et ceux qui cherchent une cause à défendre.
Pour aller plus loin :
Menaces en Mers du Nord (2018)
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