Zeus et la balise Argos
Dieu de tout, voire plus...
En Grèce ancienne, le dieu des dieux est assurément Zeus. Fort de son statut de Maître de la lumière, du ciel et de la terre, tout lui incombe, du monde physique aux sphères célestes, éléments compris, pluie comme vent, orage et foudre... Installé à 2 900 mètres d’altitude sur le Mont Olympe avec onze de ses congénères, le démiurge a une responsabilité incommensurable : garant de l’ordre et de la justice, familles, cités, peuples hellénistiques dépendent de sa puissance et de sa bienveillance. Si ses colères terrifient, son éclat tue : impossible de le voir dans sa grandeur, sous peine d’être terrassé. En résumé, Zeus en impose, comme le reste de la famille : son frère Poséidon gère d‘une main de fer les affaires maritimes, tandis qu’Hadès, implacable, préside les morts. Tout semble donc sous contrôle chez les Olympiens, sauf que... Zeus le Grand tourne parfois au vinaigre...

Héra, l’épine du pied
Le roi des cieux a un souci. En épousant la reine du Ciel, il ne pouvait imaginer qu’elle lui ferait vivre un enfer. Et pourtant... Héra, qui exerce la noble fonction de protéger le mariage et la famille, est d’une jalousie maladive. Violente même. Il est vrai que son époux ne l’épargne pas en la trompant avec muses, déesses ou mortelles. Vengeresse, Héra punit avec rage celles qui cèdent au charme du dieu volage, jusqu’à signer un destin tragique aux enfants adultérins, sans pitié aucune. Héraclès, fruit des amours de Zeus et d’Alcmène, une mortelle, en sait quelque chose : il sera dès sa naissance victime du courroux de la déesse qui lui envoie deux serpents pour le tuer. Disons-le sans détours, la redoutable Héra se fait furie quand le Maître des cieux dérape. Un jour, Zeus s’éprend de la divinité fluviale d’Argos, Io, grande prêtresse d’Héra à ses heures... Héra fulmine, ce qui n’est jamais bon pour son mari... qui transforme Io en génisse blanche, pensant déjouer l’ire de son épouse.

La balise et le paon
Échec du stratagème : Héra se fait remettre l’animal et le place sous la garde d’un bien étrange personnage : Argos, héros aux cent yeux dispersés sur son corps. Rien ne lui échappe. Quant il dort, cinquante yeux déclinent, certes, mais les cinquante autres veillent. Un radar sur pied. Zeus semble donc piégé... mais comme dit le refrain, à malin malin et demi... Zeus mande son fiston Hermès qui au son délicat de sa flûte endort la moitié des yeux d’Argos et fait pleurer d’émotion l’autre moitié. Les regards mi-embrouillés, mi-endormis d’Argos n’y voient plus rien. Sacré problème pour un radar. Hermès tue alors le pauvre Argos qui ne ressuscitera... qu’au XXe siècle sous forme de balise, pour vous servir, Amis de Filovent, collectant depuis 1979 des données par satellite afin de vous localiser en mer. La fin de l’histoire ? Affligée par la perte de son agent, Héra sèmera ses yeux sur le plumage de son animal favori, le paon. Avouez, chers navigateurs, que vous ne regarderez plus balises et paons de la même manière...
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