Quand Erik le Rouge se met au vert
L’éveil (tonitruant) des Scandinaves
Au moment où le roi franc Charlemagne (c. 742–814) mène un labeur politique des plus ambitieux en Europe visant à construire un empire de dimension égale à celui des Romains déchus depuis trois siècles, s’éveille au Nord un peuple sur lequel il va falloir dorénavant compter : les Vikings. Les réduire à l’image classique de grands blonds échevelés à la barbe menaçante, surgissant de brumes inquiétantes le couteau entre les dents et prêts à en découdre avec les pauvres bougres croisant leur chemin est dommage... Certes, impossible de nier que leur carrure impressionnante et leurs raids de pillage en imposent aux populations médiévales, mais ces Scandinaves sont aussi et surtout des marchands, grands aventuriers des mers cherchant à assouvir leur bosse du commerce.
Une famille compliquée
Tandis que les Suédois s’occupent de la Russie et de l’Asie centrale et que les Danois se réservent l’Europe occidentale, les Norvégiens regardent vers le Grand Ouest, mus par le rêve de découvrir (et conquérir, bien sûr... on ne se refait pas...) de nouvelles terres. Ces marins hors pair n’ont pas peur de grand-chose, affrontant l’Atlantique sans instruments de navigation. Leur méthode ? Une navigation côtière avec des repères terrestres. Un jour funeste du Xe siècle, le norvégien Thorvald Ásvaldsson commet l’irréparable en tuant un des siens. Condamné au bannissement, il arme son knörr, gros navire de commerce, et met le cap vers l’ouest, le regard attentif aux silhouettes des îles croisées sur sa route, histoire de ne pas se perdre : Shetland, Féroé... et enfin l’Islande, où il décide de s’installer. La colonie est à peine organisée que le fils de Thorvald, Érik dit le Rouge à cause de sa barbe, commet un meurtre, comme son géniteur. Une manie chez les Ásvaldsson. Le voici à son tour sommé de mettre les voiles. Nous sommes en 982.
Erik et ses problèmes de couleur
Où aller ? Revenir en mère-patrie serait une honte. La marche vers l’ouest continue donc. Après quelques jours de navigation, terre à l’horizon : une île immense qu’Erik le Rouge décide d’explorer en remontant un fjord. La nature spartiate des rives verdies par le printemps l’enthousiasme. Cette terre s’appellera donc Groenland - grœnn (« vert ») land (« terre ») -. Il y installe ses hommes, sa famille, et développe pendant les trois ans d’exil une économie d’élevage et d’agriculture. Objectif ? Accueillir d’autres colons. Sa condamnation accomplie, le Rouge repart en Islande raconter son Nouveau Monde à un peuple paysan en manque de terres... Séduits par ces paroles, certains Vikings d’Islande osent le grand bond et passent au Groenland, île qu’ils pensent verte et prospère. C’est pourtant une nature âpre qu’ils découvrent, honnie par le fils d’Erik, Leiv Eriksson, qui, comme les autres, se demande où est le vert dont parle Le Rouge... Lassé, Leiv finira par prendre la mer, vers l’ouest encore, et découvrir une terre qu’il baptisera Vinland... l’Amérique ! Près de cinq cents ans avant Christophe Colomb...
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