Orchestre sous les eaux
L’étrange homme au casque
Il se peut qu’un jour, au fil des océans, un heureux hasard vous donne l’occasion de rencontrer un homme d’âge mûr au visage concentré, casque sur les oreilles, perche micro tenue à bout de bras à la proue d’un bateau équipé de matériel acoustique des plus sophistiqués. Ne vous étonnez pas. Il s’agit de l’Américain Bernie Krause, un des plus grands collecteurs de sons de la planète, à qui la Fondation Cartier (Paris) a consacré une exposition retentissante en 2016. Les visiteurs vinrent nombreux à cet étonnant rendez-vous car Bernie Krause n’est pas un homme commun. Né à Détroit en 1938, il commence une carrière de musicien et acousticien dans les années 60 pour Stevie Wonder, les Doors, Barbara Streisand … et le cinéma, où il devient le maître des effets sonores.

Adieu, le bruit des hommes !
De cette première vie bruyante, notre Docteur en bioacoustique tire une leçon : l’humanité n’entend plus le monde naturel. Une surdité dangereuse pour l’avenir de la planète. Bernie Krause abandonne donc le bruit des hommes en 1968 pour enregistrer les symphonies de la nature et les archiver. Son constat est sans appel : le son des animaux sur terre comme en mer disparaît peu à peu, par notre faute. Bernie Krause explique que dans un même lieu donné, en quarante ans d’intervalle, 50% de sons ont disparu ou sont en voie de l’être. Les animaux se taisent, tout simplement, ne pouvant s’entendre. Et faute de s’entendre, certains meurent de stress ou, peut-être, par impossibilité de recevoir des informations essentielles à leur survie.…
À l’écoute de la mer
Les histoires que notre scientifique raconte sur les sons du monde sous-marin sont extraordinaires. Écoutons-le : « Les cétacés, émettent des signaux dont l'intensité, s'ils étaient produits dans l'air, équivaudrait à la décharge d'une arme à feu de gros calibre à quelques centimètres de votre oreille. Cela dit, proportionnellement au poids, l'un des êtres vivants les plus bruyants du règne animal est la crevette pistolet, longue de quatre centimètres. Sa puissance sonore est neuf fois supérieure à celle d'un orchestre symphonique ». Nous regarderons dorénavant la crevette pistolet d’un autre œil… Ou encore : « J'ai un enregistrement réalisé en 1979 d'une orque qui imite l'aboiement de l'otarie pour l'attirer et la dévorer ». Ce maître des sons nous dit aussi que baleines et phoques s’échouent d’eux-mêmes pour mourir, victimes de stress… Il est donc temps de nous taire ou, du moins, de respecter les paroles de la nature que nous avons tort de croire silencieuse…

|
Si vous avez une idée d'article, contactez mickael@filovent.com