À Pompéi, un sauvetage en mer bien singulier

Pompéi, entre terre et mer

Jusqu’à l’automne 79 de notre ère, l’élite de la population de Pompéi pouvait se croire au paradis. La ville, située sur un plateau à 33 mètres d’altitude au pied du flanc sud du Vésuve bénéficie d’une conjoncture économique des plus prospères, entre une terre volcanique généreuse et le golfe de Naples à l’ouest, splendide anse en mer Tyrrhénienne. Les échanges commerciaux dans cette partie de la Méditerranée occidentale, bordée par la Corse, la Sardaigne, la Sicile et la péninsule italique contribuent amplement à l’opulence des patriciens de la ville. Une fresque de la maison du Centenaire conservée au Musée archéologique national de Naples montre Dionysos drapé de grappes de raisin se tenant sereinement debout devant une montagne couverte de vignes jusqu’à sa cime : le Vésuve, que la divinité protège. «Tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles » aurait dit Voltaire s’il avait vécu là au temps des Anciens.

Même Pline ne s’est pas méfié...

Au premier siècle de notre ère, une importante base militaire navale romaine fondée par Auguste siège à Misène (Bacoli aujourd’hui), à l’ouest de la baie de Naples. La vue y est panoramique et permet une surveillance précise de l’espace maritime, du territoire mais... pas du volcan, dont la vie géologique n’intéresse que peu de monde à l’époque. Il y avait bien eu une éruption au tournant 1800-1700 avant notre ère, à l’âge du bronze, mais le souvenir s’était évanoui au fil du temps. Or, en 62, 17 ans avant la tragédie de Pompéi et d’Herculanum, la région est secouée par un important séisme mais personne ne fait le lien entre ce tremblement de terre et les prémisses de l’éveil du volcan. Pas même Pline l’Ancien qui, en 79, est préfet de la flotte de Misène. Poste prestigieux pour cet homme singulier, Pline étant surtout connu dans l’histoire pour son brillant esprit scientifique. Grand observateur du monde, il publie une précieuse encyclopédie en 77, l’Histoire naturelle.

Un sauvetage en mer perdu d’avance

Lorsque le cataclysme s’enclenche le 17 octobre 79 par un immense nuage "ayant l'aspect et la forme d'un arbre” surgissant du Vésuve, la surprise est totale pour les pompéiens... et pour Pline, dont la curiosité est soudainement piquée. Il doit absolument voir ce spectacle de plus près ! Il donne l’ordre de préparer son bateau quand lui parvient le billet d’une amie vivant au pied du volcan, lui demandant de lui porter secours, ne pouvant fuir la furie de la montagne que par la mer. Entre l’envie de voir le phénomène de près et la bravoure, Pline part en mer avec 12 quadrirèmes de la flotte de Misène, puissantes galères à quatre rangs de rameurs. Les navires sont rapides et Pline pense sauver de nombreux malheureux. Mais inadaptés à une grosse mer, ces bateaux doivent aussi composer avec cendres et pluie de pierres. Échec... Pline ne pourra secourir son amie. Il débarque à Stabies et rend visite à Pomponianus, vivant à 15 km du monstre. Il dîne et dort paisiblement. On le retrouvera mort peu de temps après sur la plage de Stabies d’une crise cardiaque peut-être... le visage des plus sereins. Drôle de scientifique, drôle de sauveteur, drôle de bonhomme...

Article rédigé par Véronique Michel Diplômée de l’Ecole du Louvre et titulaire de l'agrément de conférencier du Ministère du Tourisme et de la Culture, elle a travaillé pendant dix ans pour la galerie parisienne Marwan Hoss. Installée en Espagne depuis 1997, elle est chargée de conférences en Histoire des arts, cultures et religions du monde à l’Institut Français de Barcelone.

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