Les Norvégiens ? Pas fils de Vikings pour rien !
Depuis que les étés démesurément chauds se succèdent, certains amateurs de voile ont peut-être tendance à s’éloigner des mers du sud et explorer les cartes des terres septentrionales pour y dénicher des environnements plus frais. Parmi eux, la Norvège offre l’espoir de trouver de précieux degrés en moins, et, surtout, garantit des horizons sublimes hantés par de formidables histoires de marins. Rappelons que ce pays est doté de plus de 25 000 km de côtes, sans les îles (l’IGN dénombre, pour la France, environ 5 850 km de façades littorales métropolitaines). La mer a donc une très grande place dans cette société scandinave.
En arrivant par bateau à Oslo, le fjord dessine plusieurs presqu’îles, dont celle de Bygdøy où siègent de nombreux musées : le Musée des Bateaux vikings, le Musée norvégien de la Marine, le musée spectaculaire du Fram présentant ce bateau défini comme étant « le plus solide du monde » et un musée au nom étrange ... le Kon-Tiki.

Thor, un nom prémonitoire
Kon-Tiki ... Ce nom peu familier est celui de l’ancien dieu du Soleil en Polynésie. C’est le nom d’un des bateaux hors du commun exposés dans ce musée via une formidable mise en scène, comme les Nordiques savent si bien le faire. Il faut dire que le concepteur de cette embarcation mythique n’est pas banal...
Thor Heyerdahl, né le 6 octobre 1914 à Larvik et décédé il y a vingt ans (2002), est un navigateur singulier dont les Norvégiens sont aujourd’hui particulièrement fiers tant il fut un humaniste remarquable œuvrant pour la paix et l’égalité des peuples, doté d’un courage et d’une pugnacité déconcertants. S’attaquer à l’océan Pacifique sur une embarcation en balsa (bois très léger) puis à l’Atlantique sur un bateau en papyrus justifie pleinement qu’Heyerdahl porte le nom du dieu du Tonnerre et de la Force.
Thor passe sa jeunesse au cœur de la nature scandinave où il aime mener une vie sauvage. Vers l’âge de 20 ans, le jeune homme passe par une crise de sens, se posant beaucoup de questions sur son époque (l’entre-deux-guerres) et la distance grandissante entre la civilisation occidentale et le monde naturel ... Un état d’âme proche de celui de Gauguin au XIXe ...

Le roi du navire fait de tout bois
En 1937, Thor Heyerdahl part avec son amoureuse sur une île de Polynésie française (Fatu Hiva) où ils adoptent la vie simple des habitants. S’interrogeant sur l’origine de leurs ancêtres, Thor s’étonne des discours scientifiques évoquant une colonisation venue de l’Asie du Sud-Est (à l’ouest donc de la géographie polynésienne).
Sa théorie est autre : pourquoi pas AUSSI une origine orientale, à savoir des côtes sud-américaines ? Quid, pense-t-il, de l’orientation du courant Humbolt et des alizés favorables à la navigation E-O ? Les sourcils se haussent chez les anthropologues. Impossible ! D’autant plus, murmurent-ils, que les Amérindiens n’ont pas su construire de bateaux suffisamment performants pour couvrir de grandes distances. Thor Heyerdahl s’échinera à démontrer le contraire...
Ainsi naît, en 1947, le Kon-Tiki, un radeau ancestral à voile fait de balsa, avec lequel notre chef d'expédition et son équipage de cinq hommes relieront, en 101 jours, les côtes péruviennes (Callao) à l’atoll Raroia (Polynésie). L’embarcation a bien tenu tout au long des 6 920 km. Les images de cette incroyable traversée deviendront, en 1951, un documentaire qui recevra un Oscar. Thor continuera ses explorations avec d’autres embarcations improbables ... et réussira ! Allez au musée Kon-Tiki. Tout y est raconté !