Cataclysme en Mer Noire
Que d’eau !
Tout marin en quête d’histoires fabuleuses se doit de naviguer au moins une fois dans sa vie au large des rives de la Mer Noire. Le lieu est incroyablement riche en événements géologiques, climatiques et humains. Le géographe grec Strabon (né vers 58 avant J.-C.), originaire du sud de cette mer, la qualifie d'inhospitalière dans son ouvrage « Géographie », évoquant la violence de ses tempêtes et de ses habitants. C’est plutôt de puissance dont Strabon aurait dû parler, celle d’un monde bigarré tant par sa position entre Europe et Asie, que par les eaux qui la composent. Car à bien y regarder, la Mer Noire est nourrie par dix fleuves, dont le Danube, le Dniepr, le Don et le Dniestr, et par… l’eau de l’Atlantique arrivant en Méditerranée par Gibraltar, puis en Mer de Marmara par le détroit des Dardanelles, pour finir dans l’étroit goulot du Bosphore, sous l’œil perçant d’Istanbul.

Réchauffement climatique
Mais ces vases communicants n’ont pas toujours existé… Pour comprendre, remontons dans le temps. L’histoire du climat est ponctuée de nombreuses oscillations dont certaines, intenses, eurent des conséquences radicales sur l’humanité. Il y a 20 000 ans, le dernier pic glaciaire entame son déclin sous l’effet d’un réchauffement de grande ampleur. Le continent de glace haut de 3 000 mètres paralysant le Nord fond peu à peu et nourrit de ses eaux les fleuves qui le bordent. Le Danube charrie alors des tonnes de sédiments en Mer Noire qui n’est qu’un lac à l’époque. Peu à peu, une steppe pousse sur les riches terres fluviales du delta danubien et des populations d’agriculteurs éleveurs du néolithique (– 10 000) s’y installent.

Et vint … le Déluge…
En 7 500 avant J.-C, une catastrophe s’enclenche du côté du Bosphore. La montée des eaux de l’Atlantique entraîne une élévation du niveau de la Méditerranée, puis de la Mer de Marmara pour finalement déborder de l’autre côté du chenal du Bosphore. Le lac devient alors Mer Noire. Le niveau de l’eau s’élève à une vitesse vertigineuse : 100 mètres en trente ans. Les habitants, ne pouvant comprendre les raisons de cette inondation massive, fuient, laissant derrière eux leurs maisons prenant l’eau face à un horizon marin couvert de poissons morts. Aujourd’hui, la question que se posent historiens et archéologues est de savoir si les très vieux textes mésopotamiens parlant de déluge (Ziusudra, Épopée de Gilgamesh…) se fondent sur ce cataclysme naturel. Tout comme l'histoire biblique de Noé… Le débat reste ouvert.
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