LILYPAD, VILLE FLOTTANTE.

Un constat à prendre au sérieux.

L’humanité a avec la lune au moins un point commun : une face sombre adossée à une face lumineuse. Si l’on ramène ce constat à certaines problématiques contemporaines, plus précisément à celle qui semble aujourd’hui la plus immédiate et urgente, le réchauffement climatique, deux attitudes contraires se côtoient. La première est le doute que ce fléau soit bien réel, position qui conforte l’immobilisme et repousse les prises de décisions à de lointains lendemains. L’attitude contraire repose sur la conviction qu’effectivement, pour moult raisons, le climat se réchauffe inexorablement, nous contraignant à ouvrir de nombreux et nouveaux chantiers de réflexions. Intéressons-nous à ces jeunes esprits lumineux décidés à affronter les problèmes, à anticiper et à proposer des solutions.

Quel lien avec le monde de la voile direz-vous ? Celui d’une nouvelle géographie des mers à venir, par des projets pas si fous de villes nouvelles, construites sur les eaux et futures terres d’accueil de réfugiés climatiques ou simplement espaces d’expansions de villes préexistantes. Utopie ? En aucun cas. De nombreux jeunes architectes et urbanistes réfléchissent très sérieusement à ces villes océaniques que vous pourriez croiser demain lors d’une sortie en mer.

Des villes flottantes au gré du vent ?

Si pour certains le concept semble novateur, il ne l’est pas en réalité. Les Pays-Bas par exemple s’approchent du concept de villes ou régions « flottantes » en transformant leur handicap géographique en une force. Les ingénieurs y déploient une technologie toujours plus innovante ouvrant des perspectives réalistes de développement d’une future et intensive promotion immobilière sur les eaux. L’exemple le plus parlant est le Flevoland, province dont la paternité ne relève pas de Dieu mais de l’Homme.

Les eaux montent donc. Autour d’un mètre au XXIe siècle. Vincent Callebaut, jeune architecte franco-belge installé à Paris, a décidé d’agir en développant de nombreux projets écologiques dont une incroyable ville flottante baptisée Lilypad et destinée, entre autres, aux réfugiés climatiques de demain. Mais des gouvernements en quête d’espace comme la Principauté de Monaco pourraient aussi un jour être séduits.

Confronté autrefois à des regards moqueurs et incrédules, le travail de Vincent Callebaut génère aujourd’hui un intérêt grandissant, surtout depuis sa participation remarquée à l’Exposition Universelle de Shanghai de 2010. Lilypad, prévue pour accueillir environ 50 000 habitants, naît d’une forme naturelle, celle du nénuphar Victoria cruziana, véritable plateau flottant. Sur ce plateau, Vincent Callebaut imagine trois collines (destinées respectivement au travail, au commerce et au loisir), encadrant un lagon central profond destiné à lester la ville et à « stocker » l’eau de pluie. Le tout hautement végétalisé, autonome à tous points de vue et accessible par bateau grâce à trois baies aménagées en ports.

Vers une autre géographie des mers ?

Amis de Filovent, de nombreuses nouvelles découvertes océaniques s’annoncent ! Certes, des concepts comme Lilypad ne sont pas encore effectifs mais la mise en place du monde de demain s’accélère. De nombreux jeunes esprits du XXIe siècle, déterminés à ne pas rester les bras croisés, refusent d’entendre les sirènes du pessimisme ambiant. Leurs idées fusent et ne relèvent pas d’imaginaires fantaisistes. Les enjeux sont trop sérieux. Selon Vincent Callebaut, « ce sera l’un des enjeux majeurs du XXIème siècle de mettre en place une convention internationale inventant de nouveaux moyens spatiaux pour abriter les migrants environnementaux tout en reconnaissant leurs droits et obligations. Challenge politique et social, le développement durable urbain doit, plus que jamais, rentrer internationalement en résonnance avec le développement durable humain».

Il y a donc de fortes chances que la géographie de notre monde change bientôt, contraignant le navigateur de demain à troquer ses vieilles cartes océaniques pour de nouvelles, où terres et villes-flottantes figureront. Ce sera aussi pour lui une extraordinaire occasion de s’ouvrir à de nouveaux horizons et d’accoster sur des côtes écologiquement responsables ET high-tech. Bon vent à vous, marins du futur.

Article rédigé par Véronique Michel Diplômée de l’Ecole du Louvre et titulaire de l'agrément de conférencier du Ministère du Tourisme et de la Culture, elle a travaillé pendant dix ans pour la galerie parisienne Marwan Hoss. Installée en Espagne depuis 1997, elle est chargée de conférences en Histoire des arts, cultures et religions du monde à l’Institut Français de Barcelone.