Que de ports !
Depuis la cérémonie officielle d’ouverture de l’America's Cup le 22 août 2024, les amateurs de cette compétition mythique bénéficient d’un double spectacle : les régates où les voiliers deviennent oiseaux, et Barcelone, amphithéâtre de l’événement. « Amphithéâtre » est le terme parfait puisque depuis 2 000 ans, la capitale catalane se déploie au long d’une vaste baie ponctuée de quatre éléments naturels : deux deltas marquant la fin du voyage du fleuve Llobregat au sud-ouest et, en contrepoint, celui du Besòs ; en toile de fond, la cordillère littorale de Collserola, poumon de la ville, mirador aux panoramas uniques et haut lieu de randonnées... et de sangliers. Et enfin Mare Nostrum, nom presque filial donné par les Romains à la Méditerranée. Vu du large, cet ample horizon fait office de récit historique.
Tout démarre sur la colline de Montjuïc, « phare » naturel promettant une observation très élargie. De quoi se sentir rassuré en des temps hostiles. La population ibère, perceptible dans la péninsule à partir des VIIe- VIe siècles av., y fait souche tout en développant des voies commerciales qui ne cesseront d’exister, tant par terre, par mer que par fleuve - le Llobregat - navigable à l’époque.
Aujourd’hui, Barcelone s’identifie toujours comme port essentiel dans l’espace méditerranéen. Elle en possède... trois ! Port de commerce, Port Vell (vieux port), Port Olympique. La 37e édition de l'America's Cup sillonne les flots entre les deux derniers. Des joyaux !

À l’origine de Barcelone, un mont qui ne payait pas de mine
Selon le célèbre adage recommandant de se méfier de plus petit que soi, les premiers Romains installés à leur tour sur l’éperon de Montjuïc finissent par jeter l’éponge face aux inondations continuelles et à l’ardeur des moustiques proliférant dans le delta. Jean de La Fontaine aurait certainement aimé philosopher sur ces rapports de force...
Côté garnison romaine, si l’insecte est un moindre mal, la malaria ne l’est pas. Déménagement donc vers un autre mont, à peine perceptible, planté au cœur de la vaste cuvette dans laquelle se love la Barcelone du XXIe siècle. Ce mont nommé Táber devient malgré sa petite taille (17 mètres d’altitude) la cime du forum. Née en 10 av. J.C., la future Barcelone est baptisée Iulia Augusta Faventia Paterna Barcino. Depuis lors, ce lieu reste cœur politique de la ville et de sa région. Y siègent la mairie et la Generalitat (gouvernement catalan), au cœur du quartier dit gothique.
Un navigateur des temps antiques pouvait, du large, admirer les plus beaux atours de cette colonie romaine : de luxueuses domus dotées de jardins à flanc de colline, habitées par de grandes familles de propriétaires terriens, acteurs économiques fondamentaux dans la transformation de Barcino en ville de pouvoir. L'entrée de la cité se faisait pense-t-on par la Porte de la Mer, localisée à l'emplacement de l’actuel vieux port (Port Vell) au pied du Mont Táber. De « confetti » construit dans une vaste baie, Barcino deviendra au fil du temps un port important dans l’Histoire des réseaux commerciaux méditerranéens.

De voile à poisson, le regard balance...
Vingt siècles plus tard, Barcelone, qui accueille 1,7 million d’habitants, établit avec la Méditerranée un rapport toujours plus fusionnel. Le bord de mer reliant les deux deltas offre aux visiteurs une scène de théâtre où art et architecture contemporains subliment de grands événements comme les Jeux Olympiques en 1992, le Forum des Cultures en 2004 ou l’America’s Cup en 2024. Un « parrain » veille au bon déroulement de ces rendez-vous festifs du haut d’une colonne de fer de 60 mètres érigée en 1888 en bas des Ramblas, avenue mythique de la ville. Peu importe si Christophe Colomb désigne une terre qui ne peut être l’Amérique. Son geste autoritaire incite à l’observation du panorama dans lequel, à quelques encablures, une étrange voile se dresse : le W Barcelona (2009), hôtel de luxe imaginé par le célèbre architecte catalan Ricardo Bofill, dont la façade en verre argenté reflète ciel et mer, amplifiant la beauté du paysage.
De l’autre côté de la baie, une créature étrange de 35 mètres s’apprête à plonger. Le « Peix ». Sans queue ni tête, ce poisson fut commandé à Frank Gehry (architecte de la Fondation Louis Vuitton Paris) à l’occasion des Jeux Olympiques de 1992. Depuis 32 ans, il domine le second delta et le port olympique. L’éclat doré du treillis d'acier qui le dessine complète les nuances argentées du W. Tableau de maître ! Amis de Filovent, cet amphithéâtre majestueux, toile de fond de la 37e édition de l'America's Cup et ses voiliers-oiseaux, vous attend !
