Une saison le nez au vent
En ce printemps 2024, les amateurs d’art, de bateaux et de mer sont à la fête ! En premier lieu parce que le musée d’Orsay présente jusqu’au 14 juillet un événement national, Paris, 1874. Inventer l’impressionnisme, célébrant les 150 ans de ce mouvement résolument moderne, libre, audacieux, où les peintres (Eugène Boudin, Édouard Manet, Claude Monet, Gustave Caillebotte...), en recherche de sensations directes avec la nature, ont choisi de s’oxygéner et de planter leur chevalet, souvent en bord de mer, pour observer les effets de vagues, de brise, de nuages, de lumière...
Amis de Filovent, lors de vos cabotages sur les côtes françaises, ne ratez surtout pas La Partie de bateau de Caillebotte (c. 1877-1878), tableau prêté au Musée des Beaux-Arts de Nantes. Et/ou le sublime Golfe de Marseille vu de L’Estaque (1879) de Paul Cézanne, présenté Musée des Beaux-Arts de Marseille.
La ville de Cherbourg-en-Cotentin participe à cet hommage en invitant l’artiste Daniel Buren, créateur des célébrissimes Colonnes du Palais Royal (Paris), à présenter son œuvre Voile/Toile — Toile/Voile s’incarnant en ... une régate (!). Le 23 juin 2024, des optimistes seront «vêtus» de voiles ornées de rayures chatoyantes caractéristiques du travail de Buren et évolueront le long de la côte normande.

Rat de bibliothèque
Si vous naviguez à cette occasion au large de Cherbourg-en-Cotentin, ne manquez pas de rendre hommage à Louis XVI, il le mérite. Peu de gens savent que, grâce à lui, la digue formant la rade de Cherbourg, est la plus grande rade artificielle au monde. Son histoire n’est pas banale...
Jeune garçon, Louis XVI reçoit de son précepteur l'abbé de Radonvilliers un goût prononcé pour les études. Les disciplines scientifiques avant tout : mathématiques, physique, cartographie, mais aussi géographie, musique, langues (italien, anglais, allemand) qu’il apprend en autodidacte et parle couramment. Curieux de tout, le monarque dispose d’une forge dans laquelle il œuvre pendant des heures, fabriquant des serrures ou se plongeant dans la mécanique des horloges. Un érudit polymathe ? Certainement.
Dans cette soif de savoirs, un univers le fascine plus que tout autre : celui de la mer. Il en connait les courants, rêve des monstres marins (!) qui hantent ses lectures mais dont il ne peut savoir à quel point leur description terrifiante est le fruit d’exagérations nourries de peurs ancestrales. Peu importe : le roi se passionne pour la marine, les sciences nautiques, les territoires transocéaniques ... Rappelons que l’expédition du comte de La Pérouse et ses deux frégates, La Boussole et L’Astrolabe, est lancée sur ses ordres en 1785 pour parachever l'œuvre de James Cook.

Un roi qui a vu la mer
À cette date et malgré ces passions, Louis XVI n’a jamais vu la mer ni embarqué sur un navire. Casanier, il sort peu de Versailles ou Rambouillet. Pourtant, le 21 juin 1786, une grande aventure commence : Sa Majesté entame un périple d’une semaine en Normandie, mu par divers objectifs : être en contact avec son peuple, certes, mais surtout accélérer l’essor de la marine militaire pour protéger le royaume des Britanniques et faire de la marine française l'égale de la flotte anglaise.
Dans ce contexte, le roi souhaite voir le petit port de pêche de Cherbourg transformé en un port de guerre. Il faudra donc le doter d’une ingénierie défensive. Ainsi naît la plus grande rade artificielle au monde dans les eaux bouillonnantes de la Manche.

Il incombe à Louis Alexandre de Cessart de mettre ce chantier titanesque en œuvre. L’ingénieur projette de faire couler 90 cônes de bois de 20 mètres de haut, remplis de pierres pour former digue ! Lors de son court séjour normand, le roi assiste à la mise en eau du neuvième cône. Personne ne semble réaliser à quel point les éléments encerclant la péninsule du Cotentin sont violents.
Au final, seulement 18 cônes seront coulés, la nature se chargeant, tempête après tempête, d’en détruire la structure. Entretemps, Louis XVI aura perdu sa tête, certes, mais le chantier sera repris par Napoléon 1er et Napoléon III, son neveu.
L’actuelle rade de Cherbourg-en-Cotentin est une merveille de l’ingénierie des siècles passés. Ne la manquez sous aucun prétexte dans vos navigations au large des côtes normandes.

Pour prolonger votre curiosité…
- Vidéo : Cherbourg. La plus grande rade artificielle du monde
- Exposition : Paris, 1874. Inventer l’impressionnisme, Muséée d'Orsay
Retrouvez les informations de cette exposition ici. - Vidéo : Géographie des villes accueillant des œuvres de l’exposition Les 150 ans de l'impressionnisme : 1874 - 2024
50 ANS IMPRESSIONNISME - Bande annonce - FR | Musée d'Orsay
- Festival : Festival Normandie impressionniste 2024 - Daniel Buren et autres événements
Retrouvez les informations sur ce festival ici. - Lecture : "Le roi qui voulait voir la mer" de Gérard De Cortanze