Le Vendée Globe vient tout juste de s’achever, marquant une fois de plus l’histoire de la course au large en solitaire. Derrière cette épreuve de bateau mythique, d'autres défis tout aussi impressionnants attendent les skippers prêts à affronter les océans du monde en solo. Quelles sont les évolutions majeures qui ont permis à la course au large de devenir une discipline incontournable du sport nautique ? Découvrons ensemble ces grandes courses où la mer et l’homme ne font plus qu’un.
Les légendes de la course en solitaire
Des marins face à l’inconnu
Au fil des années, certains skippers ont marqué l’histoire en réalisant des exploits incroyables, inscrivant leur nom parmi les légendes de sport de voile. Ces navigateurs hors du commun ont su défier les océans, repousser leurs limites et inspirer des générations entières d’aventuriers des mers. Parmi eux, des marins audacieux ont, avant même la naissance des plus grandes courses, eu le courage d’explorer les mers du monde en solitaire. À leurs débuts, les navigations en solitaire reposaient principalement sur l’endurance et l’instinct du navigateur. Le skipper s’appuyait sur des instruments simples comme le sextant, les cartes papier et leur propre connaissance de la mer. Certains ont osé braver les océans et leurs périls, affrontant les zones les plus redoutables de la planète. Leur audace et leur détermination les inscrivent à jamais dans la légende.

Joshua Slocum est considéré comme le premier à entrer dans la légende lorsqu’en 1895 il embarque pour un tour du monde à bord d’un Spray qui durera plus de 3 ans. Il réalisera son exploit sans GPS ni radio et sera guidé par son instinct et les étoiles en affrontant pirates, tempêtes et maladies.
La navigation en solitaire poursuit son évolution avec l’arrivée d’un nouveau pionnier prêt à repousser les limites du possible en défiant le géant des mers.
Vito DUMAS marque l’histoire du sport nautique de voile et devient populaire en 1942 en étant le premier skipper à doubler le redoutable Cap Horn. Rappelons que ce dernier est le passage le plus difficile à passer et qu’il reste le plus grand cimetière de navires au monde, rassemblant plus de 10 000 marins emportés par les fonds. Il relate ses aventures dans plusieurs ouvrages, dont Los cuarenta bramadores, partageant ainsi ses expériences et inspirant de futurs navigateurs.
La navigation prend un tournant décisif qui révolutionne ce monde grâce à l'arrivée de l'icône Eric Tabarly.
Tabarly, le point de départ d’une nouvelle ère
Tabarly entre dans la légende à pleine voile en 1964 grâce à sa victoire de la transat anglaise. Tout au long de sa carrière, il enchaîne les performances remarquables. Il n'était pas ingénieur, mais il était d’une ingéniosité hors pair. Entré en 1952 dans l’aéronavale, il devient pilote d’avion avant de se consacrer uniquement à sa passion, la mer. En effet, avant sa disparition tragique en 1998, englouti par l’océan qui l’avait accompagné toute sa vie, il révolutionne le monde du bateau à voile.
Éric Tabarly n’a pas seulement marqué son époque par ses victoires, il a aussi ouvert la voie à une véritable révolution technologique dans le monde de la voile. Son approche visionnaire a transformé la conception des voiliers, inspirant des générations d’ingénieurs et de skippers à repousser les limites de la performance et de l’innovation. Des matériaux composites aux systèmes de navigation de pointe, chaque avancée s’inscrit dans l'héritage de ce pionnier.

Quand la technologie redéfinit les exploits
Aujourd'hui, l’évolution technologique a profondément changé le visage de la course au large. De la conception du bateau aux outils de navigation, chaque innovation permet au skipper de repousser ses limites et de relever des défis autrefois inimaginables. À leur début, les navigations en solitaire reposaient principalement sur l’endurance et l’instinct du navigateur. Le skipper s’appuyait sur des instruments simples comme le sextant, les cartes papier et leur propre connaissance de la mer. Au fil du temps, les avancées technologiques ont ouvert la voie à l’émergence de nouvelles courses dans le monde. On peut même parler aujourd’hui d’un véritable sport.
Les innovations de Tabarly
Certains éléments comme :
- les GPS
- les pilotes automatiques
- les systèmes de routage météo
ont modifié en profondeur la gestion de la navigation, rendant les courses plus stratégiques, précises, rapides. Tabarly développe de nombreux systèmes destinés à simplifier les manœuvres et à améliorer la sécurité en mer comme :
- La chaussette pour le spi : Ce système consiste en un manchon en tissu léger qui enveloppe la voile, permettant de la hisser et de l'étaler facilement en toute sécurité, même dans des conditions météorologiques difficiles. Grâce à cette invention, les marins n’ont plus besoin de lutter sur le pont avec une voile encombrante et difficile à maîtriser, réduisant ainsi les risques d'accident.
- Les matériaux composites légers et résistants : L'introduction de matériaux comme le carbone, le kevlar et les résines époxy a permis de construire des bateaux plus légers, plus rigides et plus rapides, tout en conservant une solidité exceptionnelle face aux conditions extrêmes des océans. Ces matériaux permettent une nouvelle répartition des efforts et une meilleure résistance à la fatigue structurelle. Elle garantit une maniabilité qui offre une traversée plus agréable et moins physique.
- Le foil : Dans les années 1970-1980, Éric Tabarly a expérimenté l'utilisation de foils sur ses voiliers, notamment avec le célèbre trimaran Paul Ricard. Ce bateau, conçu avec des foils, visait à améliorer les performances en permettant une navigation plus rapide en diminuant la résistance hydrodynamique. Bien que Tabarly n'ait pas inventé le concept des foils, il a été l'un des premiers à les utiliser et à les populariser dans les compétitions nautiques modernes.
Grâce à ces avancées, les courses au large sont devenues plus rapides, offrant des performances toujours plus élevées, plus précises, grâce à des technologies optimisant chaque manœuvre, et plus stratégiques, permettant aux skippers de repousser les limites avec une gestion optimale des ressources et des conditions de navigation. Ces évolutions ont non seulement transformé la navigation en solitaire, mais elles ont aussi ouvert la voie à des compétitions d’envergure où la technologie et l’humain ne font plus qu’un.
Désormais, cap sur les grandes courses emblématiques qui mettent en lumière ces progrès et poussent les navigateurs à se surpasser toujours plus.

Les courses incontournables et des records toujours plus grands
Ces innovations ouvrent les portes des grandes courses en révolutionnant la manière dont les skippers affrontent les océans. Ces avancées technologiques ont permis d'atteindre des vitesses inédites et d'améliorer la sécurité, rendant possibles des compétitions toujours plus exigeantes et spectaculaires. Ainsi, des épreuves mythiques en équipage comme en solitaire sont devenues les terrains d’expression de ces innovations, où les skippers repoussent sans cesse les limites de la performance et de l’endurance. Il existe deux catégories de courses qui sont adaptées autant en équipage qu’en solitaire :
Transatlantique : Ce sont des épreuves de voile consistant à traverser l'océan Atlantique, souvent d'Europe vers l'Amérique ou inversement, sur un parcours défini. Ces courses rassemblent, en partie : La Transat de Jacques Vabre et la Route du Rhum.
Tour du monde : Ce sont des compétitions de voile où les navigateurs réalisent un tour complet de la planète en suivant un itinéraire spécifique, généralement sans escale. Ces courses regroupent, en partie : Le Vendée Globe, le Trophée Jules Verne, L’arkéa Ultim Challenge.
En équipage :
La Transat Jacques Vabre est la course transatlantique en équipage la plus populaire. Cette course en double se déroule tous les deux ans depuis 1993. Le départ est donné au Havre, en France, et l'arrivée a varié au fil des éditions, avec des destinations telles que Cartagena en Colombie, Salvador de Bahia et Itajaí au Brésil, Puerto Limon au Costa Rica, et plus récemment Fort-de-France en Martinique.
La course est ouverte à différentes classes de bateaux, notamment les Class40, IMOCA, Ocean Fifty et Ultim. Chaque classe suit un parcours spécifique adapté à ses caractéristiques techniques.
Les records de la course varient selon les classes et les éditions :
- Class40 : Le record de cette classe est détenu par le duo Maxime Sorel et Antoine Carpentier à bord de V and B, avec un temps de 17 jours, 10 heures, 44 minutes et 15 secondes, établi lors de l'édition 2017.
- IMOCA : Le record appartient à Thomas Ruyant et Morgan Lagravière sur For People, avec un temps de 11 jours, 21 heures, 32 minutes et 31 secondes, réalisé lors de l'édition 2023.
- Ocean Fifty : Le duo Lalou Roucayrol et Alex Pella sur Arkema détient le record avec un temps de 10 jours, 19 heures, 14 minutes et 19 secondes, établi en 2017.
- Ultim : Le record est détenu par Thomas Coville et Jean-Luc Nélias à bord de Sodebo Ultim, avec un temps de 7 jours, 22 heures, 7 minutes et 27 secondes, réalisé lors de l'édition 2017.

Le Trophée Jules Verne est un défi nautique prestigieux qui récompense l'équipage réalisant le tour du monde en trimaran à bord de l’Ultim le plus rapidement, sans escale ni assistance. Inspiré par le roman "Le Tour du monde en quatre-vingts jours" de Jules Verne, ce trophée a été initié en 1990 par le navigateur Yves Le Cornec. Le parcours du Trophée Jules Verne consiste à partir de la côte française, à Ouessant, puis à faire le tour du monde en passant par trois grands caps : Bonne-Espérance, Leeuwin et Horn, avant de revenir au point de départ. Aucune date de départ n’est imposée, chaque équipage peut tenter sa chance lorsqu’il se sent prêt. C’est pourquoi le record de 2024 ne peut pas encore être établi, car tous les concurrents ne sont pas encore revenus à leur point de départ.
Le record actuel est détenu par Francis Joyon et son équipage, qui ont accompli le tour du monde en 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes en 2017. Condition pour battre ce record ? Passer le cap de Bonne Espérance en moins de 12 jours. Actuellement, deux équipages tentent de relever le défi : le trimaran SVR-Lazartigue de François Gabart, et Sodebo Ultim 3, skippé par Thomas Coville, qui viennent tous deux de faire demi-tour après plusieurs tentatives, dans l’attente d’une fenêtre plus favorable. Le record de cette circumnavigation en équipage reste donc encore entre les mains de Francis Joyon et de ses coéquipiers, après l’échec des tentatives de SVR-Lazartigue et Sodebo Ultim 3.

En solitaire :
La Route du Rhum est une course transatlantique en solitaire qui se déroule tous les quatre ans, généralement entre fin octobre et début novembre. Elle accueille une grande diversité de voiliers, répartis en plusieurs classes en fonction de leurs caractéristiques techniques et de leurs performances. Le parcours relie Saint-Malo, en Bretagne, à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, couvrant une distance d'environ 6 560 kilomètres. Chaque catégorie de bateaux offre des défis uniques aux skippers, ce qui contribue à la richesse et à la diversité de cette compétition emblématique.
On se souvient de la première édition en 1978, remportée par le Canadien Mike Birch à bord de Olympus Photo, après 23 jours, 6 heures et 59 minutes en mer, ou encore de Florence Arthaud descendant les Champs Elysées pour célébrer sa victoire à bord de Pierre 1er le 18 Novembre 1990, après 14 jours 10 heures d'une navigation mémorable. Au fil des éditions, les temps de traversée et les records se sont considérablement améliorés grâce aux avancées technologiques et à l'évolution des bateaux :
- Ultim : En 2022, Charles Caudrelier établit un nouveau record à bord de son Maxi Edmond de Rothschild en franchissant la ligne en 6 jours, 19 heures, 47 minutes et 25 secondes.
- IMOCA : Le record est détenu par François Gabart, qui a terminé la course en 12 jours, 4 heures, 38 minutes et 55 secondes lors de l'édition 2014.
- Ocean Fifty : En 2018, Armel Tripon a remporté la course dans cette classe avec un temps de 11 jours, 7 heures, 32 minutes et 40 secondes. Class40 : Le record est détenu par Yoann Richomme, qui a terminé la course en 16 jours, 3 heures, 22 minutes et 44 secondes lors de l'édition 2018.
- Rhum Multi : En 2018, Pierre Antoine a remporté cette catégorie avec un temps de 15 jours, 22 heures, 46 minutes et 55 secondes.
- Rhum Mono : Le record de la catégorie Rhum Mono est détenu par Sidney Gavignet, qui a terminé la course en 16 jours, 7 heures, 8 minutes et 38 secondes lors de l'édition 2014.

Après avoir conquis l'Atlantique avec la Route du Rhum, les skippers les plus aguerris se lancent dans des défis encore plus extrêmes : les tours du monde en solitaire. Le Vendée Globe et l'Arkéa Ultim Challenge, véritables épreuves d'endurance et de stratégie, poussent les navigateurs à affronter les océans les plus redoutables de la planète, où chaque innovation technologique et chaque décision tactique peuvent faire la différence entre succès et abandon.
Une petite nouvelle a fait son entrée dans le monde des grandes courses en 2024 : il s’agit de l’Arkéa Ultim Challenge, qui se déroule à la voile en solitaire autour du monde et est réservé à la classe Ultim 32/23, des maxi-trimarans de 32 mètres de long. Le parcours de l'Arkéa Ultim Challenge est similaire à celui du Trophée Jules Verne et du Vendée Globe. Toutefois, à la différence du Vendée Globe, les escales techniques sont autorisées pour des raisons de sécurité, sans limitation de nombre, avec une durée minimale de 24 heures chacune. Les skippers de l’Arkéa Ultim Challenge doivent parcourir quelque 40 000 km et doubler les trois caps légendaires : Bonne-Espérance (Afrique du Sud), Leeuwin (Australie) et Horn (Amérique du Sud). Lors de cette nouvelle et première édition, Charles Caudrelier a remporté la course à bord du Maxi Edmond de Rothschild après 50 jours, 19 heures, 7 minutes et 42 secondes en mer. Suite au succès de cette première édition, une seconde course est prévue pour 2027-2028.
Deux courses, deux visions de la navigation en solitaire, où les skippers doivent repousser leurs limites face aux éléments, avec des règles et des défis bien distincts, mais un même objectif : boucler un tour du monde en affrontant les océans les plus hostiles.
Le Vendée Globe est une course mythique autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, qui met à l’épreuve l’endurance et la stratégie des skippers à bord de monocoques IMOCA 60.

Aujourd’hui, ces bateaux intègrent encore des technologies introduites par Éric Tabarly il y a plusieurs décennies, comme l'utilisation des matériaux composites et les innovations en matière de gréement.
Le Vendée globe reste similaire mais plus populaire que à l’Arkéa et voici les quelques différences :
- Type de bateaux engagés : La course se fait en IMOCA, des bateaux conçus pour la haute mer et équipés de foils pour leur permettre d’augmenter leur vitesse en réduisant la traînée. Ils sont conçus pour résister aux conditions extrêmes.
- Règles de course : Les navigateurs ne sont pas autorisés à faire des escales ou encore demander une assistance. Ils doivent se débrouiller seuls, contrairement à l’Arkéa qui autorise même à l’équipage à terre de leur donner des stratégies en fonction de ce qu'indique le routage météo.
- Objectif de la course : La course est un défi d’endurance autant qu’une compétition de vitesse. Elle est souvent considérée comme "l'Everest des mers" en raison des conditions extrêmes et de l’autonomie totale qu’elle impose aux skippers.
- Route : Les deux courses suivent un parcours similaire autour du monde, mais avec des départs différents : le Vendée Globe part des Sables-d’Olonne tandis qu’ils partent de Brest a l’Arkéa.
Charlie Dalin a remporté l'édition 2024-2025 du Vendée Globe en établissant un nouveau record de 64 jours, 19 heures, 22 minutes et 49 secondes, prouvant une fois de plus que la voile en solitaire ne cesse d’évoluer et de repousser les limites du possible. Cette victoire illustre parfaitement l’héritage laissé par les pionniers de la discipline et l’impact des avancées technologiques qui continuent de transformer la course au large.
Au fil du temps, les aventures maritimes en solitaire ont évolué d’une aventure humaine fondée sur l’instinct à un défi technologique et stratégique. Des pionniers comme Tabarly ont révolutionné la navigation en introduisant des innovations toujours présentes aujourd’hui.
Grâce aux avancées en matériaux et en équipements, les courses mythiques comme le Vendée Globe et l’Arkéa Ultim Challenge repoussent sans cesse les limites du possible, illustrant l’alliance entre performance humaine et progrès technologique.
Bien que le monde de la navigation ait longtemps été dominé par les hommes, des navigatrices francaises ont prouvé que la mer n’a pas de genre. On peut citer (parmi tant d’autres) Naomi James, devenue en 1978 la première femme à réaliser un tour du monde à la voile et à contourner le cap Horn en solitaire ; Florence Arthaud, première femme à remporter la Route du Rhum en 1990 ; Ellen MacArthur, qui s'est illustrée en arrivant sur le podium du Vendée Globe 2000-2001 à seulement 24 ans ; et Violette Dorange qui participe actuellement Vendée Globe à 23 ans, portant haut les couleurs de la nouvelle génération. Une chose est sûre : ces femmes ont contribué à révolutionner la perception des performances féminines en navigation. Alors… à quand la prochaine victoire féminine ?
Si le sujet vous passionne, je vous invite à explorer ces ressources incontournables pour approfondir vos connaissances et vivre l'aventure de la course au large sous un autre angle :
- Livre : “Une histoire du Cap Horn” (éditions Glénat) ou "Courses au large" de Olivier Bourbon
- Podcast : L'épisode de Génération “Do It Yourself” avec Chalie Dalin
- Film : Tabarly, un film documentaire qui rend hommage à Tabarly
