Vous envisagez de louer un bateau pour vos vacances, mais vous avez plein de questions à propos de la navigation qui restent sans réponses ? Ou peut-être êtes-vous à la recherche de secrets et de bons plans pour votre prochaine croisière sur la Côte d'Azur ? Qui de mieux pour vous répondre qu'un skipper professionnel passionné de nautisme !
Pour cet article, j'ai eu la chance d'interviewer Romain Falga, skipper spécialiste de la région de Nice, et de lui poser 14 questions afin de mieux connaître son métier et ses recommandations pour votre croisière.
Le portrait
Filovent : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Romain : Je m'appelle Romain Falga, j'ai 47 ans et je suis professionnel de la voile depuis 7 ans. Je suis un vrai passionné de voile, un “voileux” comme on dit parfois. Aujourd'hui, je travaille comme skipper professionnel pendant toute la haute saison touristique, et chez mon ancien employeur pendant la basse saison. On peut dire que j'ai trouvé la solution : l'hiver dans un bureau, l'été sur la mer.
Filovent : Est-ce que vous pouvez définir simplement votre métier ? Qu'est-ce que ça veut dire pour vous “skipper” ?
Romain : Le problème, c'est que contrairement à ce qu'on pourrait penser, être skipper, c'est loin d'être simple à définir ! Si il fallait vraiment être très terre-à-terre, je dirais que c'est conduire des gens en bateau dans des endroits qui seraient inaccessibles autrement, en toute sécurité. La sécurité est importante dans la définition, le skipper en est le garant en mer. C'est lui qui s'occupe de chaque détail lié à la navigation, pas seulement de tenir la barre. Et pour répondre à la seconde partie de votre question, je dirais que skipper, c'est une forme de liberté qui mélange travail et passion. Je m'estime très heureux d'avoir réussi à trouver une activité comme celle-là.

Filovent : Quel a été votre parcours professionnel ? Saviez-vous dès votre enfance que vous vouliez devenir skipper ?
Romain : Peut-être pas dès l'enfance, mais j'ai commencé très tôt à m'intéresser à la voile. J'ai commencé à en faire lorsque j'avais 14 ans, ça m'a tout de suite passionné. L'étape suivante, ça a été de naviguer sur un bateau habitable, à mes 20 ans. Pour autant, je n'en ai pas fait mon métier tout de suite, et ce n'est vraiment resté qu'un passe-temps pendant une bonne partie de ma vie. J'ai fait de l'informatique dans une caisse de retraite pendant 17 ans, donc vraiment rien à voir. Et à l'approche de mes 40 ans, il faut croire que j'ai eu envie de changement, car c'est à ce moment que j'ai décidé de me reconvertir professionnellement. J'ai fait une formation de voile en Bretagne pendant 6 mois pour devenir professionnel. Et voilà, je suis très content de cette reconversion, on va dire “partielle”, dans la mesure où je travaille à nouveau chez mon ancien employeur à cause de la forte saisonnalité qui impacte notre métier.
Filovent : Êtes-vous intéressé par les régates et les courses nautiques ? En avez-vous déjà faites ?
Romain : Alors oui j'ai déjà participé à une régate, mais pas de l'intérieur, uniquement de l'extérieur. J'étais bateau accompagnateur, c'est-à-dire que je m'assurais avec d'autres skippers du bon déroulement de la régate, de la sécurité de tous, et aussi de questions logistiques. Mais, oui, ça m'intéresserait beaucoup d'y participer en tant que coureur. Il faut reconnaître que c'est une activité très éprouvante. Moi, ça me fait du bien de me reposer l'hiver, à titre personnel. Mais je vous avoue que j'ai accès aux régates d'Antibes, parce que je suis en copartage sur un petit voilier, et y participer c'est un objectif personnel, c'est clair. Pour l'instant, c'est à la fois le manque de temps, et le manque de forme au bon moment qui m'en ont empêché, mais ça reste dans un coin de ma tête.

Filovent : Préférez-vous naviguer seul ou avec un équipage ?
Romain : C'est vrai qu'on peut un peu avoir l'image du vieux loup de mer solitaire [rire]. Mais je dirais que je préfère avec un équipage, ou une autre personne sachant skipper. C'est avant tout une question de communication. Tout d'abord du point-de-vue de la navigation, c'est quand-même plus facile de réaliser les manœuvres lorsqu'on est plusieurs et qu'on peut communiquer sur tout ce qu'il faut savoir pour naviguer en toute sécurité. Et au-delà de ça, je parle de communication de tous les jours. Avec les clients, on doit rester assez professionnel à chaque moment, c'est notre métier. Mais sur une semaine de navigation, c'est sympa d'avoir quelqu'un d'autre avec qui parler de sujets plus légers en privé, pouvoir partager d'autres choses. C'est rare, mais ça arrive qu'on se sente un peu seul. La plupart du temps, ça se passe très bien, mais il y a toujours 1 ou 2 clients dans la saison où on se sent un peu oublié !
Quelques conseils nautiques
Filovent : Quel est votre modèle de voilier préféré ?
Romain : Ah c'est pas une question facile. Je choisirais un Bali 4.6, oui. Plutôt un catamaran, c'est là-dessus qu'on va retrouver de la stabilité et le plus de confort. C'est un modèle assez large, donc assez spacieux, et les Bali ont cette particularité d'avoir des grandes portes basculantes qui ouvrent le carré vers l'extérieur. Ensuite, il faut reconnaître que le modèle n'est pas toujours bénéfique pour le skipper, compte tenu des cabines qui sont attitrées dans les catamarans. On se retrouve très souvent à dormir dans les pointes ! Pour les personnes qui liront l'article et qui ne savent pas ce que c'est, dans les catamarans d'une certaine taille, on retrouve la plupart du temps des toute petites cabines à l'avant du bateau, donc au niveau des “pointes”. À une époque, je le faisais, mais je suis passé à un moment où maintenant je ne fais plus ça. Sur les Bali, en plus, les salles de bain sont dans les cabines. Ce qui crée parfois des grands moments de solitude quand vous vous réveillez avant vos clients le matin, et que vous n'avez pas accès aux toilettes [rire].

Filovent : Quel est le modèle de voilier que vous recommanderiez à des personnes n'ayant jamais navigué ?
Romain : Alors, pour toutes les raisons que j'ai évoquées, je partirais à nouveau sur un catamaran. C'est vraiment le type de navire qui correspondra le mieux aux primo-navigants. Je dirais un Lagoon 39. Donc un bateau avec une taille plus réduite, mais qui reste quand même beaucoup plus facilement manœuvrable qu'un monocoque. Ça va donner aussi une navigation plus dynamique que sur un Bali, qui sont un peu plus lents quand même.
Filovent : L'ancienneté d'un voilier, ça joue beaucoup ?
Romain : Oui, tout à fait ! Ça joue quand même beaucoup. Ensuite l'entretien qui vient derrière est très important. C'est beaucoup plus sécuritaire d'avoir un bateau neuf, récent, et entretenu, qu'un bateau ancien où on a quelques doutes sur l'entretien. Les problèmes, ça n'arrive pas souvent, mais c'est vrai qu'il y a des bateaux comme ça qui sont mis en location par des personnes pas forcément toujours précautionneuses, et là ça s'abîme très vite. Je dis toujours qu'un bateau qui est mis en location, toute l'année, il a au moins le double de son âge ! Globalement, c'est usé, les locataires font peu attention.
Les secrets de Romain
Filovent : Quelle est la plus belle destination où vous ayez navigué ?
Romain : C'est sûrement lorsque j'ai navigué lors d'une croisière dans les Grenadines, qui sont un ensemble d'îles dans le sud des Antilles. C'est vraiment fabuleux, tout. Les Tobago Cays, Moustique, Bequia, toutes ces petites îles. C'est vraiment une chance de naviguer sur une eau aussi turquoise. Mon souvenir préféré, c'est sans aucun doute le soir où on a mangé des langoustes au barbecue avec des clients. C'était sur une île inhabitée, complètement déserte, sur une plage. Il y avait un barbecue géant organisé, une trentaine de personnes… Plein de langoustes, et surtout du rhum à gogo [rire]. Et pour ce qui est du mouillage que j'ai adoré là-bas, c'était un peu plus au nord, à Marigot Bay, sur l'île de Sainte-Lucie. C'est un “mouillage restaurant”, où vous pouvez trouver pas mal de restaurants, pour tous les goûts. Il y a le Château Mygo par exemple pour les fruits de mer, le JJ's Paradise. Mais ça reste avant tout un très joli mouillage, très sympa.

Filovent : Et le mouillage que vous recommandez le moins ?
Romain : Alors, dans les Grenadines, je ne conseille pas trop l'escale à Saint-Vincent, donc juste au sud de Sainte-Lucie. Les clients s'arrêtent souvent dans la ville de Kingstown, dès qu'on attaque le sud de l'île, et c'est un endroit où il y a un volcan encore en activité, donc on ne passe pas des nuits super tranquilles, au niveau sécurité. Généralement on y reste pas longtemps, on est pas très rassuré.
Filovent : Dans quelle zone naviguez-vous le plus souvent ? Pourquoi cette destination ?
Romain : Pour l'instant, je navigue beaucoup vers Beaulieu, Beaulieu-sur-Mer, près de Nice donc. Pour ce qui est des raisons derrière ce choix, déjà parce que j'habite à Nice, très pragmatiquement. J'ai réussi à construire mon petit réseau là-bas, donc ça aide. Et puis sur le plan de la navigation, ce qui est pratique c'est qu'il y a beaucoup de jolis spots assez proche. Sur une journée, je peux faire 4 ou 5 spots, en très peu de distance. Il y aussi pas mal de restaurants, avec des tender boats qui peuvent venir chercher les clients pour acoster. Et puis c'est très beau, la Corniche d'Or, l'Esterel… L'avantage aussi, c'est que je suis pas loin de la Corse et de la Sardaigne, qui sont également des coins très sympas où naviguer.
Filovent : Quels sont les 3 mouillages que vous préférez sur cette partie de la Méditerranée ?
Romain : Spontanément, comme ça, je dirais premièrement la plage de la Mala, entre Nice et Monaco. C'est une petite plage à Cap d'Ail qui est dans une crique vraiment très préservée, et où l'eau est super claire. La vue sur la Méditerranée est superbe. Et il y a des restaurants pour déjeuner, donc c'est vraiment parfait pour les clients. Ensuite, je conseille vivement l'Anse de Lilong, du côté de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Vous la trouverez peut être sous le nom d'Anse des Fossés, mais c'est la même. Ce qui est très sympa avec cette baie, c'est qu'elle n'est jamais trop fréquentée, donc c'est assez paisible d'y mouiller. Il y a également une petite plage dans le fond de la baie. Et puis, c'est assez couvert en termes de vent. Et le troisième mouillage, on va partir un tout petit peu en Italie, ça s'appelle Capo Mortola, juste à côté de la frontière. C'est rocheux, c'est très beau. On est sur un autre type de plage parce qu'on a des galets là-bas. Et c'est vraiment tout proche du Jardin Botanique Hanbury qui est aussi une super visite à faire.

Filovent : Et le meilleur endroit pour manger ?
Romain : Alors, ça va dépendre de ce que cherchent les clients, il y a 2 spots. Il y a les restaurants de la Mala, donc l'Éden Plage Mala, et La Réserve de la Mala. Ce sont des restaurants assez chics, avec des produits de la mer, et un mix entre cuisine française et cuisine italienne. Donc plutôt pour des clients qui veulent un repas tranquille. Et ensuite, pour les clients qui veulent un petit plus s'amuser, il y a un restaurant qui s'appelle Anjuna Beach, sur la plage d'Èze. Les clients sont tout le temps très contents, c'est très festif. On y mange des spécialités, mais c'est plutôt premium. On est pas au niveau du Nikki Beach de Saint-Tropez, mais c'est un peu l'idée.
Filovent : Quelle est votre anecdote de navigation préférée ?
Romain : La première qui me vient comme ça, tout de suite, c'était pendant une navigation, mes clients qui aperçoivent des dauphins, et qui me demandent s'ils peuvent leur donner du pain pour les attirer vers le bateau [rire]. Le problème, c'est que du pain, ça ne va pas du tout les attirer. Si vous voulez attirer des dauphins, il faut leur donner des sardines, des petits poissons, ou des calamars. Mais du pain, aucune chance que ça les intéresse. Et en même temps, c'est aussi ces moments où des personnes ne connaissant pas grand chose à la mer découvrent ce monde là avec un peu de naïveté qui sont très sympas à vivre.
Remerciements
Je voudrais remercier sincèrement Romain pour le temps qu'il m'a accordé lors de notre échange.
